Le jour où « mon lit » a disparu, je savais que mon « chez moi » prendrait bientôt la forme de mon sac à dos. Déterminée à partir à l’étranger en mode routard piéton, je rêvais déjà à la collection d’auberges de jeunesse que j’enchaînerais, passant de lit en lit simplement pour y dormir. Plantant la tente lors de mes randonnées. Emportée dans une vie riche en découverte où « mon lit » resterait un souvenir chaleureux que je retrouverais après plusieurs années de vie effrénée et passionnée. « Mon lit » ne m’aurait pas manqué, même si aucun autre lit ne l’aurait remplacé.
Pourtant, les choses ne se sont pas passées ainsi. Si laisser « mon lit » derrière moi était bien naturel en choisissant une vie nomade, il n’en est pas de même en se réinstallant. Contrainte de retrouver un emploi et un « appartement », mon esprit aurait pu se préparer au retour de « mon lit ». Logique si je replantais mes racines plutôt que de filer de ville en ville. Mais le jour où j’ai trouvé un job, « mon lit » n’est pas revenu. Il est resté là où il était, attendant mon lointain retour. Une réinstallation paradoxale. Un retour au permanent avec une note appuyée d’éphémère. La différence essentielle avec mes rêves de nomade, l’absence de « chez moi ». Le temporaire est mon salut, celui qui me permettra de partir sans détour le jour J. Pas de déménagement de l’extrême, pas de tristesse, juste un grand jour dans ma vie.
Mais pourquoi suis-je tant attachée à rester dans l’éphémère, à ne surtout pas considérer mon chez moi comme étant mon « chez moi », lui préférant des rêves de sac à dos ? La manière dont les événements se sont enchaînés a contribué à me tourner la tête comme 100 tours de manège. A peine rentrée dans la dynamique des candidatures avec la rédaction et le perfectionnement de mes lettres de motivation, un recruteur m’a contactée. A partir de là, tout s’est accéléré, laissant mon esprit dans un tourbillon, sans espoir de s’habituer à ma nouvelle situation. Car ma nouvelle situation changeait chaque jour. Candidature samedi, rappel lundi, test de rédaction le soir même, proposition d’entretien le lendemain. Deux jours après, j’étais dans un train pour Paris, 3 jours plus tard, je recevais une offre d’embauche, revenue à Sophia. Au total, 3 semaines se sont écoulées entre l’envoi de ma candidature et ma prise de poste. Un processus de recrutement record.
Plongée soudainement dans cette nouvelle vie que je n’avais pas vraiment désirée, je me suis retrouvée comme en apnée. Comme si un poids m’écrasait la poitrine. Vivant jour après jour, attendant le moment où je pourrais reprendre une bouffée d’air. Subissant le quotidien sans lutter. Tout était instable, mon poste, mon logement. Impossible de prédire l’avenir ou faire des projets à long terme. Selon ma réussite sur le job, le temps nécessaire à la résolution de mes dossiers administratifs, l’éventuel crash d’une comète… je me déplaçais dans des sables mouvants. A force de changer d’itinéraire, je ne savais même plus si je devais aller à droite ou à gauche en sortant du boulot.
Absolument tout allait trop vite pour parvenir au moindre sentiment de stabilité. Y compris la recherche de logement. A compter de ma première recherche d’appartement, et malgré mes critères restrictifs en matière de prix pour un logement à Paris, les événements ont à nouveau pris l’allure d’une attraction à grande vitesse, le Rock ‘n’ roller coaster, life edition. Exactement les mêmes sensations de vitesse, de forces gravitationnelles, de musique à fond dans les oreilles… Dépassée par mes occupations, j’ai accepté l’aide de mes parents dans mes recherches. Au bout de 24h, je faisais ma première visite et signais le bail dans la foulée. Mais comme dans « Fast and furious« , la vitesse n’empêche pas les obstacles. Ainsi, même si les étapes se sont succédées a priori dans de bonnes conditions, chaque procédure administrative découlant de mon emménagement s’est déroulée en jouant au saut de haies. Une difficulté après l’autre pour arriver à un niveau d’installation presque complet où je peux réaffirmer, que j’ai un toit sur la tête, mais le lit dans lequel je dors n’est qu’un lit.