Rendez-vous hebdomadaire d’une jeune travailleuse fauchée en quête d’économies malgré le niveau de vie de Paris, la laverie est un lieu fermé comme la scène d’un petit théâtre. Les personnages entrent sur scène ou retournent en coulisse, certains se croisant, certains interagissant avec les autres. Un peu comme la série courte Caméra Café de M6.
Le décors
Habitant en plein centre de Paris, la laverie la plus proche est quand même à plus de 10mn de marche, le long de trottoirs étroits, croisant des passants parfois peu courtois. Installée juste à côté d’une boutique Kusmi Tea, l’une des ces enseignes chic de vente de thé, la devanture de la laverie Julice crée un sacré contraste. Pas flambant neuve, elle reste cependant tout à fait correcte à l’intérieure, avec 13 machines à laver 6kg, 2 grandes, 6 séchoirs, et quelques sièges. Les tarifs sont équivalents à la moyenne des laveries parisiennes.
Les habitués
La plupart des personnages de la laverie se valent. Utilisateurs réguliers, ils ne perdent pas de temps, trouvent une machine vide, la charge, alimentent la petite machine à sous et reviennent quand c’est fini. Valises, sacs, caddies… chacun utilise ses conteneurs grand format. Quelques-uns, comme moi, attendent sur les sièges, livre en main. Point de bruit ou d’histoire venant de ces habitués. Mais d’autres personnages défilent parfois sur la scène de la laverie.
Le fils à maman
Un jour pas comme les autres à la laverie. De retour à la laverie un dimanche, comme à ma nouvelle habitude, une chose a changé… l’heure à laquelle j’y suis allée. Un hasard bien heureux qui m’a valut un doux amusement. A ce moment-là, la personne en charge de l’entretien du lavomatic était présente. Dans le lapse de temps où le responsable était présent, un jeune homme entrait pour la première fois dans la laverie. Complètement ignorant, il a sollicité l’aide du responsable (habituellement absent comme le veut le principe de la laverie automatique). Tandis qu’il lui expliquait le BABA, ainsi que quelques mises en gardes excessives sur le séchoir, je ne pouvais m’empêcher d’esquisser un sourire, aussi retenu que possible. Me souvenant alors de ma première fois à la laverie. Techniquement, ma première laverie en France n’était pas ma première laverie dans l’absolu. A quelques rares occasions, j’avais utilisé les machines à laver de certaines auberges en Nouvelle-Zélande. Un usage légèrement différent d’un vrai lavomatic, et rare compte-tenu de mon stock limité de vêtements. Mais en France, c’est lorsque ma propre machine à laver est tombée en panne que je me suis trouvée contrainte d’aller à la laverie. Ignorante également, j’ai fait ce que n’importe qui ferait dans ce cas (normalement), j’ai lu les instructions placardées sur les murs et les machines, avec une numérotation des étapes et même des schémas. Le même type d’explications clairement visibles dans ma laverie actuelle. D’où un certain amusement en assistant à une scène des plus atypique. Surtout quand quelques minutes après avoir quitté la laverie, ce jeune apprenant revient avec un sandwich de boulangerie. C’est drôle la découverte de la vie…
La famille anglaise
L’animation créée par un groupe entier attire l’attention. Contrairement aux habitués, les nouveaux venus, certainement des voyageurs, discutent, cherchant à comprendre le fonctionnement des lieux. Circulant, cherchant leurs multiples machines… Des jeunes internationaux, ou des petites familles arrivent ainsi de temps en temps dans cette petite laverie de quartier. Une vision quelque peu déconcertante quand on y pense. Car je ne connais aucune famille d’amis qui, lors d’un voyage à l’étranger, s’est retrouvée à utiliser une laverie de quartier. Pour rappel, l’usage de la laverie s’impose dès lors qu’on arrive au bout de son stock de vêtements. Pour cela, il faut d’ores et déjà faire un séjour relativement long. De plus, la famille anglaise a visité la laverie hors saison touristique. D’autant plus étrange que, d’après la localisation de la laverie, les étudiants des chambres de bonne seraient la cible de choix. Si le quartier abrite également des budgets moins modestes, ceux-ci n’ont en général pas besoin de franchir la porte de la laverie. Ils seraient plutôt du genre à aller faire leurs emplettes dans le Kusmi Tea d’à côté. Idem pour les touristes à première vue. Même moi, en voyage, j’ai privilégié les machines à laver des auberges plutôt que les laveries de quartier.
La petite fille modèle
Une tenue vestimentaire comme on n’en fait plus, comme on penserait ne plus jamais croiser dans la rue, plus depuis une décennie ou deux. La jupe plissée marron, le chemisier blanc non cintré, le pull en laine marron archi-moche sur les épaules, et l’air pincé. Le marron lui-même, pâle, virant au kaki, dégueullasse, ne peut venir que d’une autre époque. On retrouve le profil type de la petite fille modèle coincée, certainement imbue d’elle-même, qui débarque à Paris pour faire ses études dans une école prestigieuse. Le type de profil que l’on retrouve rarement dans une laverie automatique. Trop « cheap » et dégradant pour elle. A tel point qu’elle est venue avec, pour tout budget, une seule pièce de 1€. Raison pour laquelle elle est ressortie tirer un billet de 10€, nouvelle version. Un drame lorsqu’elle n’a pas pu faire passer le billet dans la machine. Convaincue que la machine n’acceptait pas les nouveaux billets, elle n’a même pas tenté de l’insérer une 2e fois avant de ressortir énervée à la recherche de monnaie.